La Banque fédérale de réserve de Minneapolis vient de publier un précieux instrument de mise ne perspective de toutes les récessions américaines intervenues depuis la deuxième guerre mondiale, à savoir 1948, 1953, 1957, 1960, 1969, 1973, 1980, 1981, 1990, et 2001.
Le lecteur peut sélectionner sur un même graphique les trajectoires de la production et du chômage pour n’importe lequel de ces épisodes, et les comparer ainsi à la récession en cours.
Un examen rapide montre selon moi que les épisodes passés les plus proches de la trajectoire actuelle sont ceux des récessions des années 1948, 1953, 1957 et 1981, toutes un peu plus graves que l’actuelle. Personne à ma connaissance n’avait évoqué pour ces récessions le spectre de la grande dépression des années 30.
Ce qui nous amène à souligner à nouveau une originalité marquée de la conjoncture actuelle : le découplage entre une grave crise financière – qui apparaît à ce jour plus ou moins endiguée - et une récession de l’économie réelle pour l’instant assez «ordinaire », en tout cas en dehors de la période exceptionnellement faste de la révolution de l’information, celle des décennies 80 et 90 et des premières années du deuxième millénaire.
Pour consulter, aller à: http://www.minneapolisfed.org/publications_papers/studies/recession_perspective/index.cfm
L’information est due à Alex Tabarrok, Marginal Revolution (27 février).
Saturday, February 28, 2009
Thursday, February 26, 2009
Le maillon faible ?
Nouriel Roubini, l’un des rares économistes à avoir annoncé longtemps à l’avance la crise immobilière américaine, soutient, dans son « RGE Monitor » (info@regemonitor.com) du 25 février, que la situation conjoncturelle des pays d’Europe centrale et orientale (les « PECO ») devient critique. Il y a deux facteurs principaux de dégradation : l’effondrement des exportations (principalement vers l'Union européenne) et l’assèchement des flux de capitaux vers la région. Selon l’Institute of International Finance, l’apport net de capitaux privés à l’Europe émergente devrait chuter de 254 milliards de dollars en 2008 à 30 milliards en 2009. Ce qui pourrait provoquer un choc comparable à celui qui a frappé les pays asiatiques dans les années 1995-97.
Il pourrait alors se propager à l’Ouest. D’une part en effet les banques d’Europe occidentale sont largement engagées dans ces pays, en particulier les banques autrichiennes, et d’autre part la dette des PECO est largement libellée en devises étrangères (et notamment en euros). Des faillites locales se diffuseraient ainsi largement. Dans les conditions actuelles, les possibilités de la politique monétaire sont limitées: une dévaluation locale alourdirait le fardeau de la dette et mettrait en difficulté de nombreux emprunteurs locaux. D’autre part les possibilités de relance budgétaire sont aussi très réduites en raison de la récession qui accroît les déficits publics et des engagements d’orthodoxie budgétaire consentis pour accéder à la zone euro.
Qui plus est, les mesures protectionnistes de certains pays d’Europe de l’Ouest en faveur de leurs propres secteurs automobile et financier, ainsi que les restrictions à l’immigration, ajoutent beaucoup à des difficultés déjà sérieuses.
On comprend mieux dans ces conditions l’annonce fait par Madame Merkel : le gouvernement Allemand serait prêt à soutenir ceux des PECO dont les finances publiques seraient trop dégradées. L’enjeu - non évoqué mais bien réel - est également celui de leur future participation à la zone euro et donc de l’extension de taux de change « définitivement fixes » (sous-entendu « par rapport à la devise en circulation en Allemagne ») à tous ces pays, ce qui "verrouillerait" l'avantage de compétitivité dont profite ainsi l'économie allemande vis-à-vis des ses voisins et concurrents: faisant feu de tout bois, le journaliste du Financial Times Wolfgang Munchau – un zélateur inconditionnel de l’euro – suggère d’accélérer l’entrée de plusieurs de ces pays dans l’eurozone pour leur éviter dépréciation de change et majoration de leur dette externe.
Mais le revers de la médaille viendrait alors du blocage dans un rapport de change qui freinerait la reprise, ainsi que dans la soumission à des politiques futures, monétaires et budgétaires, d'inspiration germanique,qui ne conviendraient pas, en réalité, à chacun de ces pays, leur imposant un futur et durable handicap de change. Le soutien annoncé de Madame Merkel serait ainsi à double tranchant.
Au total, le fossé économique et politique se creuse entre les deux Europes, la vieille et la nouvelle, la vieille ne faisant preuve en la circonstance d'aucune espèce de générosité.
Il pourrait alors se propager à l’Ouest. D’une part en effet les banques d’Europe occidentale sont largement engagées dans ces pays, en particulier les banques autrichiennes, et d’autre part la dette des PECO est largement libellée en devises étrangères (et notamment en euros). Des faillites locales se diffuseraient ainsi largement. Dans les conditions actuelles, les possibilités de la politique monétaire sont limitées: une dévaluation locale alourdirait le fardeau de la dette et mettrait en difficulté de nombreux emprunteurs locaux. D’autre part les possibilités de relance budgétaire sont aussi très réduites en raison de la récession qui accroît les déficits publics et des engagements d’orthodoxie budgétaire consentis pour accéder à la zone euro.
Qui plus est, les mesures protectionnistes de certains pays d’Europe de l’Ouest en faveur de leurs propres secteurs automobile et financier, ainsi que les restrictions à l’immigration, ajoutent beaucoup à des difficultés déjà sérieuses.
On comprend mieux dans ces conditions l’annonce fait par Madame Merkel : le gouvernement Allemand serait prêt à soutenir ceux des PECO dont les finances publiques seraient trop dégradées. L’enjeu - non évoqué mais bien réel - est également celui de leur future participation à la zone euro et donc de l’extension de taux de change « définitivement fixes » (sous-entendu « par rapport à la devise en circulation en Allemagne ») à tous ces pays, ce qui "verrouillerait" l'avantage de compétitivité dont profite ainsi l'économie allemande vis-à-vis des ses voisins et concurrents: faisant feu de tout bois, le journaliste du Financial Times Wolfgang Munchau – un zélateur inconditionnel de l’euro – suggère d’accélérer l’entrée de plusieurs de ces pays dans l’eurozone pour leur éviter dépréciation de change et majoration de leur dette externe.
Mais le revers de la médaille viendrait alors du blocage dans un rapport de change qui freinerait la reprise, ainsi que dans la soumission à des politiques futures, monétaires et budgétaires, d'inspiration germanique,qui ne conviendraient pas, en réalité, à chacun de ces pays, leur imposant un futur et durable handicap de change. Le soutien annoncé de Madame Merkel serait ainsi à double tranchant.
Au total, le fossé économique et politique se creuse entre les deux Europes, la vieille et la nouvelle, la vieille ne faisant preuve en la circonstance d'aucune espèce de générosité.
Wednesday, February 25, 2009
Krachs boursiers et dépressions.
Les krachs n’annoncent pas nécessairement des dépressions. Dans leur récent papier de recherche sur ce thème(NBER WP 14760, February 2009), Robert Barro (Harvard) et José Ursua citent l’aphorisme bien connu de Samuelson:
« La bourse a prévu neuf des cinq dernières récessions », pour bien souligner qu’une chute boursière peut s’avérer sans lien avec les évolutions de l’économie réelle.
Mais en étudiant 25 pays sur une période séculaire (195 krachs et 84 dépressions) les auteurs constatent que les krachs, définis par une baisse des rentabilités de 25%ou plus sur quelques années, s’accompagnent de dépressions mineures (baisse de la consommation ou de la production de 10% ou plus) dans 30% des cas, et de dépressions majeures (baisses de 25% ou plus de la consommation ou de la production) dans 11% des cas.
Inversement, lors des dépressions mineures il y a également des krachs boursiers 69 % du temps, et pour les dépressions majeures l’occurrence de ces krachs atteint 91 % des cas.
Ainsi, bien que les crises boursières soient beaucoup plus fréquentes que les dépressions, il n’en reste pas moins qu’une crise boursière accroît de beaucoup les probabilités d’intervention d’une dépression, mineure ou majeure. Au contraire, l’absence de crise boursière rend très improbable le développement d’une dépression : de trois par siècle suite à une crise boursière, le pourcentage passe à une par siècle en l’absence de telle crise.
En dehors des périodes de guerre un krach boursier s’accompagne d’une probabilité de dépression mineure de l’ordre de 20%, et de 3% seulement pour ce qui est d’une dépression majeure.
Pour les auteurs, ces chiffres s’appliquent dans le cas présent aux Etats-Unis et aux autres pays étudiés (dont la France).
Ce qui signifie que le développement d’une récession mineure reste une éventualité sérieuse, tandis que celui d’une dépression majeure semble pour l’instant assez peu probable. C’est dans l’ensemble la position que nous avons adoptée sur ce blog depuis le début de la « crise ».
« La bourse a prévu neuf des cinq dernières récessions », pour bien souligner qu’une chute boursière peut s’avérer sans lien avec les évolutions de l’économie réelle.
Mais en étudiant 25 pays sur une période séculaire (195 krachs et 84 dépressions) les auteurs constatent que les krachs, définis par une baisse des rentabilités de 25%ou plus sur quelques années, s’accompagnent de dépressions mineures (baisse de la consommation ou de la production de 10% ou plus) dans 30% des cas, et de dépressions majeures (baisses de 25% ou plus de la consommation ou de la production) dans 11% des cas.
Inversement, lors des dépressions mineures il y a également des krachs boursiers 69 % du temps, et pour les dépressions majeures l’occurrence de ces krachs atteint 91 % des cas.
Ainsi, bien que les crises boursières soient beaucoup plus fréquentes que les dépressions, il n’en reste pas moins qu’une crise boursière accroît de beaucoup les probabilités d’intervention d’une dépression, mineure ou majeure. Au contraire, l’absence de crise boursière rend très improbable le développement d’une dépression : de trois par siècle suite à une crise boursière, le pourcentage passe à une par siècle en l’absence de telle crise.
En dehors des périodes de guerre un krach boursier s’accompagne d’une probabilité de dépression mineure de l’ordre de 20%, et de 3% seulement pour ce qui est d’une dépression majeure.
Pour les auteurs, ces chiffres s’appliquent dans le cas présent aux Etats-Unis et aux autres pays étudiés (dont la France).
Ce qui signifie que le développement d’une récession mineure reste une éventualité sérieuse, tandis que celui d’une dépression majeure semble pour l’instant assez peu probable. C’est dans l’ensemble la position que nous avons adoptée sur ce blog depuis le début de la « crise ».
Tuesday, February 17, 2009
Apocalypse now!
De Casey Mulligan (professeur à Chicago) dont le blog Supply and demand (in that order) fournit un contrepoint salutaire au catastrophisme ambiant, une mise au point sur l’évolution de l’économie américaine (16 février, http://caseymulligan.blogspot.com).
Alors que les responsables politiques ne cessent d’évoquer le spectre de la Grande Dépression, le Bureau of Economic Analysis vient de montrer que la récession en cours est en réalité modérée au regard des précédents historiques. Ainsi l’annonce faite le 26 janvier d’un taux de croissance annualisé de – 3,8 % au quatrième trimestre de 2008 signifie en réalité que la dépense globale américaine a été inférieure de 1 % entre octobre et décembre à ce qu’elle était en juillet-septembre. Il faudrait que ce chiffre soit répété encore dans chacun de trois prochains trimestres pour que la baisse atteigne les 3,8 % qui font les gros titres de la presse.
Certes – 1% ce n’est pas agréable, mais c’est à rapprocher de ce qui s’est passé durant la récession de 1990, et pour l’instant c’est bien inférieur au ralentissement trois fois plus marqué de 1981-1982, toujours aux Etats-Unis. Rien de comparable avec les évolutions en chute libre de 1929-1930.
Pour Mulligan les politiques des deux bords exagèrent très fortement les difficultés économiques actuelles. Cui bono ?
Alors que les responsables politiques ne cessent d’évoquer le spectre de la Grande Dépression, le Bureau of Economic Analysis vient de montrer que la récession en cours est en réalité modérée au regard des précédents historiques. Ainsi l’annonce faite le 26 janvier d’un taux de croissance annualisé de – 3,8 % au quatrième trimestre de 2008 signifie en réalité que la dépense globale américaine a été inférieure de 1 % entre octobre et décembre à ce qu’elle était en juillet-septembre. Il faudrait que ce chiffre soit répété encore dans chacun de trois prochains trimestres pour que la baisse atteigne les 3,8 % qui font les gros titres de la presse.
Certes – 1% ce n’est pas agréable, mais c’est à rapprocher de ce qui s’est passé durant la récession de 1990, et pour l’instant c’est bien inférieur au ralentissement trois fois plus marqué de 1981-1982, toujours aux Etats-Unis. Rien de comparable avec les évolutions en chute libre de 1929-1930.
Pour Mulligan les politiques des deux bords exagèrent très fortement les difficultés économiques actuelles. Cui bono ?
Vaudou keynésien ou riposte graduelle?
Les économistes keynésiens avaient ironisé sur les « recettes vaudou » des économistes de l’offre, lors de la présidence Reagan, qui prétendaient accroître les recettes fiscales en diminuant les taux d’imposition. Aujourd’hui c’est au tour de Robert Barro (professeur à Harvard) de qualifier en ces termes les prescriptions de politique économique des démocrates postulant l’existence d’un fort effet multiplicateur des dépenses publiques sur le niveau du produit national. Dans un court article paru ce mois-ci dans Economists’ Voice (www.bepress.com/ev), il critique la conception extrême de ceux qui se focalisent sur l’insuffisance de la demande globale en période de récession, et pensent qu’une dépense publique supplémentaire de 1 trillion de dollars va augmenter le PIB de 1,5 trillion, ce qui est semble-t-il l’hypothèse de travail de l’équipe Obama.
Barro rappelle que pour obtenir un effet multiplicateur plus modeste de l’ordre de 1, il faut déjà que les dépenses publiques supplémentaires ne réduisent en rien la consommation ou les investissements existant. Remettant en activité – par hypothèse - du travail ou du capital qui étaient jusque là inutilisés, la construction de routes ou de matériel militaire supplémentaires n’aurait, dans ce cas, aucun coût social. Un multiplicateur supérieur à 1 suppose, au surplus, qu’il y aurait également in fine davantage de consommation et d’investissement en biens et services privés, sans doute à cause de la distribution supplémentaire de revenus aux agents qui précédemment étaient au chômage ou conservaient leur épargne en liquidités.
Il faut donc supposer que les décideurs privés, consommateurs et entreprises, enfermés dans leur pessimisme, n’ont pas su comprendre que toutes ces ressources inemployées pouvaient servir à produire des biens et services effectivement vendables.
On peut soutenir, il est vrai, que les agents privés, se découvrant appauvris par la chute massive du prix des actifs, limitent leurs dépenses, et qu’une augmentation de leur pouvoir d’achat courant, par l’impact temporaire de la politique monétaire, ne puisse suffire à compenser la baisse de patrimoine (immobilier particulièrement) qui affectera, elle, durablement leurs revenus dans toutes les prochaines périodes. C’est en effet le patrimoine (ou le « revenu permanent ») qui détermine la consommation, et non pas le revenu courant comme l’ont montré Milton Friedman et Franco Modigliani.
Mais d’un autre coté il est peu probable que la construction de nouvelles routes ou d’avions de combat permette d’employer beaucoup d’agents immobiliers ou de spécialistes des produits financiers dérivés, qui se trouvent au chômage. Elle va au contraire débaucher des personnels spécialisés dans les travaux publics et des ingénieurs de l’armement qui eux avaient un emploi. Le multiplicateur des dépenses publiques serait alors négligeable.
Au total, Barro estime à partir de ses vérifications statistiques effectuées sur plusieurs épisodes de conflits (Première et deuxième guerres mondiales, Guerre de Corée, Guerre du Vietnam) que le multiplicateur des dépenses publiques indépendantes de la conjoncture courante est de l’ordre de 0,8.
Et pour l’obtenir il préfère à des dépenses d’Etat dont l’utilité n’est pas évidente et dont la mise en œuvre exige du temps, des réductions d’impôt qui ont l’avantage de laisser aux agents privés le choix des consommations ou des investissements qu’ils jugent les plus utiles.
L’argument n’est pas sans mérite, mais il ne faut pas écarter non plus la possibilité que ces consommateurs privés se sentent suffisamment appauvris pour ne pas dépenser les revenus supplémentaires qu’ils tireraient des allègements fiscaux, et préfèrent les épargner. Dans ce cas la dépense publique présente un avantage sur l’allègement fiscal.
J’ajouterai une autre considération en faveur de la première. En période de forte chute de la valeur des actifs, et en particulier des actions, le coût des fonds pour les investisseurs privés a augmenté : il leur faut payer plus en dividendes pour lever un montant donné de capital que ce n’était le cas dans la période de bulle des prix. Par contre, le coût des fonds, pour l’Etat, n’a guère varié. Les épargnants sont plus demandeurs d’obligations publiques jugées moins risquées que des actions ou des obligations d’entreprises privées.
De ce fait l’Etat est temporairement en meilleure position pour investir, à moindre coût que le privé (et donc aussi pour nationaliser). Il est ainsi mieux placé pour augmenter, au moins temporairement, l’investissement. Il le fera certes au prix de nombreux gaspillages voire de malversations (comme le montre l’exemple de ce qui s’est passé dans les programmes américains de reconstruction de l’Irak). Mais c’est un inconvénient qui vaut également pour les dépenses privées comme on l’a constaté au cours du boom des investissements d’avant la crise financière et la récession actuelle.
Quel choix de politique macroéconomique faut-il alors préconiser ?
Après que le refinancement massif des institutions financières (politique monétaire) ait évité l’effondrement en cascade qui aurait reconduit les économies sur la trajectoire dépressive de 1930, il n’est pas absurde de soutenir aujourd’hui l’activité par des dépenses publiques et par des allègements fiscaux, sachant que les dépenses privées vont rester nécessairement frileuses pendant quelques temps en raison de la baisse des patrimoines et de l’augmentation des risques.
Il ne faut pas s’attendre à ce que la demande privée reparte rapidement, compte tenu des mauvais achats et des mauvais investissements qui ont été faits au sommet des bulles d’actifs et dans la période récente de forte croissance (aux Etats-Unis tout au moins, l’Europe n’ayant pas bénéficié de cette conjoncture faste). Il faut du temps pour que ces investissements erronés s’amortissent dans les comptes individuels et d’entreprises. Dans l’intervalle, l’investissement public - qui sera en partie gaspillé - servira cependant à éviter que la récession ne soit trop marquée. Après tout il va y avoir des chômeurs inactifs et des capitaux non investis. Dans ce contexte, même un effet limité de 0,8 présente un intérêt. Cependant deux considérations militent pour une intervention successive dans le temps, d’abord d’un allègement fiscal, non pas sur le capital mais sur le travail, et ensuite seulement, si besoin est encore, d’une dépense publique directe. Cette dernière ne devrait intervenir qu’en dernier ressort, si la récession devait s’aggraver et se prolonger, ce qui n’est pas encore une évidence en ce début de 2009 qui n’est aussi que le début ou la première partie de la récession.
Ainsi, l’allègement de la fiscalité du travail étant indispensable en tout état de cause dans une perspective de moyen terme, il suffirait à lui seul si la récession s’avérait « normale » par comparaison avec ce que nous savons des précédentes. C’est ce qui semble pour l’instant rester le cas le plus probable. Il serait temps, dans l'intervalle, de préparer plus soigneusement un programme de dépense publique à mettre en oeuvre si le cours de la récession déviait de la normale et se prolongeait en s’aggravant. Il s’agit en somme d’adopter une stratégie de riposte graduelle.
Barro rappelle que pour obtenir un effet multiplicateur plus modeste de l’ordre de 1, il faut déjà que les dépenses publiques supplémentaires ne réduisent en rien la consommation ou les investissements existant. Remettant en activité – par hypothèse - du travail ou du capital qui étaient jusque là inutilisés, la construction de routes ou de matériel militaire supplémentaires n’aurait, dans ce cas, aucun coût social. Un multiplicateur supérieur à 1 suppose, au surplus, qu’il y aurait également in fine davantage de consommation et d’investissement en biens et services privés, sans doute à cause de la distribution supplémentaire de revenus aux agents qui précédemment étaient au chômage ou conservaient leur épargne en liquidités.
Il faut donc supposer que les décideurs privés, consommateurs et entreprises, enfermés dans leur pessimisme, n’ont pas su comprendre que toutes ces ressources inemployées pouvaient servir à produire des biens et services effectivement vendables.
On peut soutenir, il est vrai, que les agents privés, se découvrant appauvris par la chute massive du prix des actifs, limitent leurs dépenses, et qu’une augmentation de leur pouvoir d’achat courant, par l’impact temporaire de la politique monétaire, ne puisse suffire à compenser la baisse de patrimoine (immobilier particulièrement) qui affectera, elle, durablement leurs revenus dans toutes les prochaines périodes. C’est en effet le patrimoine (ou le « revenu permanent ») qui détermine la consommation, et non pas le revenu courant comme l’ont montré Milton Friedman et Franco Modigliani.
Mais d’un autre coté il est peu probable que la construction de nouvelles routes ou d’avions de combat permette d’employer beaucoup d’agents immobiliers ou de spécialistes des produits financiers dérivés, qui se trouvent au chômage. Elle va au contraire débaucher des personnels spécialisés dans les travaux publics et des ingénieurs de l’armement qui eux avaient un emploi. Le multiplicateur des dépenses publiques serait alors négligeable.
Au total, Barro estime à partir de ses vérifications statistiques effectuées sur plusieurs épisodes de conflits (Première et deuxième guerres mondiales, Guerre de Corée, Guerre du Vietnam) que le multiplicateur des dépenses publiques indépendantes de la conjoncture courante est de l’ordre de 0,8.
Et pour l’obtenir il préfère à des dépenses d’Etat dont l’utilité n’est pas évidente et dont la mise en œuvre exige du temps, des réductions d’impôt qui ont l’avantage de laisser aux agents privés le choix des consommations ou des investissements qu’ils jugent les plus utiles.
L’argument n’est pas sans mérite, mais il ne faut pas écarter non plus la possibilité que ces consommateurs privés se sentent suffisamment appauvris pour ne pas dépenser les revenus supplémentaires qu’ils tireraient des allègements fiscaux, et préfèrent les épargner. Dans ce cas la dépense publique présente un avantage sur l’allègement fiscal.
J’ajouterai une autre considération en faveur de la première. En période de forte chute de la valeur des actifs, et en particulier des actions, le coût des fonds pour les investisseurs privés a augmenté : il leur faut payer plus en dividendes pour lever un montant donné de capital que ce n’était le cas dans la période de bulle des prix. Par contre, le coût des fonds, pour l’Etat, n’a guère varié. Les épargnants sont plus demandeurs d’obligations publiques jugées moins risquées que des actions ou des obligations d’entreprises privées.
De ce fait l’Etat est temporairement en meilleure position pour investir, à moindre coût que le privé (et donc aussi pour nationaliser). Il est ainsi mieux placé pour augmenter, au moins temporairement, l’investissement. Il le fera certes au prix de nombreux gaspillages voire de malversations (comme le montre l’exemple de ce qui s’est passé dans les programmes américains de reconstruction de l’Irak). Mais c’est un inconvénient qui vaut également pour les dépenses privées comme on l’a constaté au cours du boom des investissements d’avant la crise financière et la récession actuelle.
Quel choix de politique macroéconomique faut-il alors préconiser ?
Après que le refinancement massif des institutions financières (politique monétaire) ait évité l’effondrement en cascade qui aurait reconduit les économies sur la trajectoire dépressive de 1930, il n’est pas absurde de soutenir aujourd’hui l’activité par des dépenses publiques et par des allègements fiscaux, sachant que les dépenses privées vont rester nécessairement frileuses pendant quelques temps en raison de la baisse des patrimoines et de l’augmentation des risques.
Il ne faut pas s’attendre à ce que la demande privée reparte rapidement, compte tenu des mauvais achats et des mauvais investissements qui ont été faits au sommet des bulles d’actifs et dans la période récente de forte croissance (aux Etats-Unis tout au moins, l’Europe n’ayant pas bénéficié de cette conjoncture faste). Il faut du temps pour que ces investissements erronés s’amortissent dans les comptes individuels et d’entreprises. Dans l’intervalle, l’investissement public - qui sera en partie gaspillé - servira cependant à éviter que la récession ne soit trop marquée. Après tout il va y avoir des chômeurs inactifs et des capitaux non investis. Dans ce contexte, même un effet limité de 0,8 présente un intérêt. Cependant deux considérations militent pour une intervention successive dans le temps, d’abord d’un allègement fiscal, non pas sur le capital mais sur le travail, et ensuite seulement, si besoin est encore, d’une dépense publique directe. Cette dernière ne devrait intervenir qu’en dernier ressort, si la récession devait s’aggraver et se prolonger, ce qui n’est pas encore une évidence en ce début de 2009 qui n’est aussi que le début ou la première partie de la récession.
Ainsi, l’allègement de la fiscalité du travail étant indispensable en tout état de cause dans une perspective de moyen terme, il suffirait à lui seul si la récession s’avérait « normale » par comparaison avec ce que nous savons des précédentes. C’est ce qui semble pour l’instant rester le cas le plus probable. Il serait temps, dans l'intervalle, de préparer plus soigneusement un programme de dépense publique à mettre en oeuvre si le cours de la récession déviait de la normale et se prolongeait en s’aggravant. Il s’agit en somme d’adopter une stratégie de riposte graduelle.
Friday, February 6, 2009
La durée des récessions: précisions.
Reprenant la comparaison historiques des récessions, telle que nous l'avions présentée aux lecteurs de ce blog le 2 décembre dernier ("La durée des récessions"), Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff rappellent dans le Wall Street Journal du 3 février que l'épisode récessif statistiquement moyen dure un peu moins de deux ans.
Cependant dans les cas "sévères", les prix de l'immobilier baissent en moyenne de 36%, étalés sur cinq à six ans. Si l'on compte que le début de la crise immobilière américaine date de la fin 2005, cela ne donne pas de reprise avant 2010, au mieux, et d'ici là une baisse supplémentaire possible de l'ordre de 8 à 10% par rapport aux prix actuels.
Le cours des actions tend à baisser plus rapidement, d'environ 55% sur un à trois ans. L'indice Standard & Poor y est déjà. Mais en admettant que le sommet a été atteint à la mi-2007 il faudrait encore attendre un ou deux ans avant une reprise.
Pour le chômage, ces récessions durent en moyenne près de cinq ans, avec une augmentation du taux moyen de l'ordre de 7 points, ce qui donnerait un taux à deux chiffres aux Etats-Unis et repousserait la reprise du marché du travail au delà de 2013.
Enfin le changement le plus massif concerne en général la dette de l'Etat qui augmente de 85% dans les trois ans qui suivent une crise bancaire. La raison principale en est l'effondrement des recettes fiscales résultant du ralentissement de l'activité, plus encore que les plans de relance par les dépenses nouvelles.
La spécificité de la crise en cours tient d'abord à ce qu'elle intervient dans une économie globale. Dans ces conditions une économie nationale n'a que peu à attendre d'un éventuel accroissement de la demande externe.
Cependant dans les cas "sévères", les prix de l'immobilier baissent en moyenne de 36%, étalés sur cinq à six ans. Si l'on compte que le début de la crise immobilière américaine date de la fin 2005, cela ne donne pas de reprise avant 2010, au mieux, et d'ici là une baisse supplémentaire possible de l'ordre de 8 à 10% par rapport aux prix actuels.
Le cours des actions tend à baisser plus rapidement, d'environ 55% sur un à trois ans. L'indice Standard & Poor y est déjà. Mais en admettant que le sommet a été atteint à la mi-2007 il faudrait encore attendre un ou deux ans avant une reprise.
Pour le chômage, ces récessions durent en moyenne près de cinq ans, avec une augmentation du taux moyen de l'ordre de 7 points, ce qui donnerait un taux à deux chiffres aux Etats-Unis et repousserait la reprise du marché du travail au delà de 2013.
Enfin le changement le plus massif concerne en général la dette de l'Etat qui augmente de 85% dans les trois ans qui suivent une crise bancaire. La raison principale en est l'effondrement des recettes fiscales résultant du ralentissement de l'activité, plus encore que les plans de relance par les dépenses nouvelles.
La spécificité de la crise en cours tient d'abord à ce qu'elle intervient dans une économie globale. Dans ces conditions une économie nationale n'a que peu à attendre d'un éventuel accroissement de la demande externe.
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