Selon le bulletin, souvent mordant et peu conformiste, du GEFIP (société de portefeuille présidée par Hubert Jousset, http://www.gefip.fr) le récent envol de la monnaie européenne face au dollar recèle quelques chausse-trappes :
« Il s’agit d’une hausse par défaut d’une monnaie en indivision qui ne dispose d’aucun pouvoir politique, militaire et économique mandaté pour la défendre.
En effet, créé de façon artificielle et volontariste pour contraindre les pays de l’Union à se fédérer, l’Euro se retrouve en situation d’apesanteur depuis que l’échec tonitruant du référendum sur la constitution européenne a conduit pratiquement à l’effet inverse ; chaque pays cultivant avec délices ses péchés mignons et ses intérêts nationaux.
Tant que l’ensemble était porté par la forte vague de la croissance mondiale, cet attelage hétéroclite pouvait rester plus ou moins solidaire.
Mais, que la récession vienne à s’abattre sur la zone et l’on risque de voir cet OVNI monétaire exploser en vol ; certains pays n’étant plus en mesure d’assumer leurs obligations ».
Ajoutons que le ralentissement de l’activité économique est aggravé par la hausse du taux de change européen qui, certes, présente l’avantage de contenir l’inflation en permettant d’importer à bas prix, mais décourage l’exportation vers presque tous les pays hors zone euro, et ralentit du même coup la production des pays membres.
Un commentaire beaucoup plus favorable a cependant été publié dans le Financial Times du 23 Mars par Wolfgang Münchau, sous l’intitulé « The crisis could bring the euro centre-stage ». Le chroniqueur voit la monnaie européenne remplacer le dollar comme monnaie de réserve internationale pour les gouvernements dans les 10 à 15 prochaines années. Raisons : les déficits commerciaux américains sont durables, et de plus la crise financière actuelle est celle du « capitalisme de marché anglo-saxon » alors que les institutions financières européennes ont fait la preuve de leur solidité. La valeur ajoutée de l’euro au plan international serait ainsi géopolitique beaucoup plus qu’économique.
On peut douter de la valeur de telles prévisions à si longue échéance, d’une part parce que les balances commerciales sont sujettes à de fréquents renversements (ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis connaissent de forts déficits, pour se rétablir quelques années plus tard, notamment en raison du « benign neglect » affiché par les administrations successives à l’égard du dollar), et, d’autre part, parce que la tendance de fond de l’organisation financière mondiale continuera très vraisemblablement à favoriser le développement des marchés au détriment de celui des institutions centralisées que sont les grandes banques, au delà des péripéties actuelles.
Mais il ne faut pas oublier, en tout état de cause, que le pays dont la monnaie joue le rôle d’instrument de réserve international se charge d’un lourd fardeau. Une monnaie internationale qui veut se tailler une place doit être « forte » (chère), au moins au départ, pour être attirante, et c’est le pari qui a présidé à la création et à la gestion de l’Euro. Mais la croissance économique en est alors inévitablement pénalisée, même si les institutions financières, elles, en tirent avantage. La géopolitique, comme toute chose, a son prix.
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