Dans la série « dix ans pour que la moindre vérité économique arrive à se frayer un chemin dans les média et dans le monde politique » voici un article du Monde qui mérite d’être lu. Il ne fait certes qu’exposer quelques truismes économiques. Mais dans notre pays le simple énoncé de truismes constitue une véritable révolution intellectuelle tant la langue de bois est dominante et la technocratie incontestée. Par conséquent, si même le Monde y vient, c’est qu’il n’y a plus aucun moyen de nier l’évidence. Se souvient-on encore (ne serait-ce que pour sourire) du thème de la propagande officielle, favori de MM. Trichet et Thibaut de Silguy, lors de la mise en place de l’euro : « l’euro fort favorisera la croissance » ?
Aujourd’hui le constat macroéconomique élémentaire du contraire est parvenu enfin jusqu’aux colonnes du Monde : le dollar faible, c’est-à-dire l’euro fort, coûte cher en croissance perdue aux pays membres de la zone. Autre expression de la même absurdité, un peu moins triomphante, qu’il devient plus difficile d’asséner, l’expérience ayant été abondamment faite et la preuve, hélas, infligée à notre économie: « la valeur du taux de change n’affecte pas la croissance économique », ou encore, « les dévaluations ne renforcent pas la compétitivité des entreprises exportatrices ni de l’économie en général ». Sauf que les Etats-Unis, où les économistes sont plus courageux et les technocrates moins dominants, savent bien, eux, utiliser la faiblesse de leur monnaie quand nécessaire et avec effet.
Faut-il répéter encore que dans une économie ouverte le taux de change est LE prix le plus important ? Faut-il encore répéter qu’en ce qui concerne l’Euro toutes les affirmations officielles et toutes les promesses étaient purement et simplement mensongères ? (voir mon article « Les promesses de l’euro : Tout était faux », Il Sole-24 Ore, décembre 2001 et Renaissance des Hommes et des idées, juin 2002, disponibles et téléchargeables sur mon site http://jjrosa.com).
Faut-il encore répéter que seule la sortie de l’euro (alliée à la réduction de l’impôt sur le travail) donnera une bouffée d’oxygène à la croissance, en France et dans les autres pays de la zone euro qui ne font pas « naturellement » partie (de par leurs caractéristiques structurelles) de la petite zone mark (Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas)?
Oui sans doute. Puis-je alors conseiller la relecture de mon livre de 1998 : L’erreur européenne ? Oui certainement car il montre, avec le recul de l’expérience, à tous ceux qui se veulent « pragmatiques » et récusent par ignorance les vertus d’une analyse économique fondamentale, ce que peuvent coûter, très concrètement, dix années d’expérimentation hasardeuse aux conséquences très prévisibles – et prévues – coût supporté par l’économie en général et – très pragmatiquement - par les Français en particulier.
Alors répétons : il n’y a que deux réformes - et deux réformes seulement (oublions les taxis et autres distractions pascaliennes) - qui soient susceptibles de sortir l’économie de l’enlisement qu’elle subit depuis les années 80: la sortie de l’euro (et donc la possibilité d’adopter une politique monétaire et de change enfin conforme aux nécessités de l’environnement français) d’une part, et l’allègement radical des cotisations sociales (avec maintien intégral des transferts en faveur des plus faibles salaires pour la couverture d’assurance maladie) telle que décrite dans mon récent article « Comment gagner plus » publié dans la revue Commentaire (numéro du Printemps 2009) et disponible sur mon site, de l’autre.
Sortie de l’euro, car un simple assouplissement de la gestion monétaire de la BCE et un endiguement de sa hausse par rapport au dollar, ne changera rien à la fixité des parités de change entre pays européens, gelée « définitivement » par l’euro, alors que ces parités implicites se situent à des niveaux de déséquilibre, et tandis que l’essentiel de nos échanges extérieurs se fait à l’intérieur même de l’Europe. Il faut donc sortir de l’euro, quitte à le laisser subsister aux bons soins de l’Allemagne (voir également mon article "D'abord sortir de l'euro ... condition de la reprise, de l'emploi, et des réformes de structures", décembre 2005).
Après avoir payé très cher l’absurdité ubuesque, mais étroitement intéressée, de nos technocrates pendant vingt ans et plus, peut-être y a-t-il, aujourd’hui au moins, quelque espoir d’une prise de conscience de la réalité des choses ?
Merci à un lecteur fidèle, Thierry, pour m’avoir signalé cet article.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/10/14/la-zone-euro-paie-tres-cher-l-addition-d-un-dollar-trop-faible_1253818_3234.html
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