Jean-Louis Caccomo, le postulat libéral et la nature de l’Union européenne.
Dans son blog du 12 février 2008, J.-L. Caccomo déplore l’intervention de l’Etat dans l’affaire de la Société Générale. Le respect des règles de la zone euro suppose, selon lui, le libre jeu de la concurrence entre les banques, et non pas l’intervention de l’Etat qui fausse la concurrence.
Mais le postulat est erroné : la création de l’euro ne correspond pas à la poursuite d’une politique libérale. Pour cela il n’est besoin ni d’une monnaie centrale, ni a fortiori d’une banque centrale supplémentaire, ni de la suppression d’un prix librement fixé sur des marchés comme peut l’être un taux de change flexible, remplacé en l’occurrence par un système de prix inter monnaies définitivement fixés au sein de la zone.
La création d’une monnaie unique, et d’une banque centrale commune, correspond à une politique de gestion d’un cartel financier au niveau de l’Europe. On sait que les banques centrales ont pour rôle, entre autres, de gérer au mieux les intérêts du secteur bancaire. Quand celui-ci cherche à établir ou maintenir des accords de prix non concurrentiels pour maximiser les profits, le fait de ne pas avoir à compter avec des changes fluctuants, qui rendent plus difficiles les comparaisons de prix entre concurrents appartenant à différentes nations, constitue un avantage certain : il devient plus facile de surveiller plus étroitement le « pricing » des autres et de s’assurer qu’il ne dévie pas par rapport aux accords communs. Bien des années après « l’Acte unique » et malgré les directives sur la libre prestation de services, la concurrence bancaire en Europe reste toujours bridée, comme le constate périodiquement la Commission de Bruxelles.
En particulier en ce qui concerne les OPA qui constituent un élément important du mécanisme de mise en œuvre de la concurrence entre les firmes, et donc entre les banques (souvenons-nous des péripéties italiennes récentes). Les encadrer ou les empêcher permet donc de réduire la concurrence. Le gouvernement contrevient ainsi aux conditions premières d’une politique de concurrence dans le secteur bancaire. Mais ce faisant, s’il s’oppose à la lettre de la politique européenne de la concurrence, il ne fait que renforcer le dispositif anti-concurrentiel bien réel de l’euro et de la BCE.
Selon les libéraux partisans de l’euro, plus de concurrence ne pouvait s’imposer à la France que par la volonté de Bruxelles. C’est sans doute vrai pour les grands monopoles publics qui sont désormais en partie soumis à concurrence. Mais nul besoin d’une monnaie unique pour cela, ni d’une centralisation continentale de la fonction de régulateur des marchés. Si cela a été fait en matière monétaire et financière, de façon exceptionnelle, c’est pour défendre et reconstituer au niveau d’un continent, de façon plus efficace, une cartellisation menacée au niveau de chaque nation par l’ouverture internationale des marchés de capitaux.
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