Monday, March 31, 2008

C'est l'économie bien sûr! (suite)

Des lecteurs me demandent si les conditions économiques suffisent, seules, à déterminer la popularité des gouvernants et les résultats des élections. Je reconnais volontiers que d'autres facteurs doivent intervenir, parce que la politique comporte de multiples dimensions et des prestations de services très divers. Mais des opérations de pure redistribution qui peuvent staisfaire les uns doivent en mécontenter d'autres, ceux qui en bénéficient peu ou doivent en supporter, plus que les premiers, le financement. D'ailleurs les résultats de Stigler, largement confirmés depuis, comme mon étude qui porte, rappelons-le, sur toutes les élections nationales de 1920 à 1973, montrent que le seul facteur macroéconomique rend compte de l'essentiel des variations électorales. La raison en est assez simple: toutes les consommations, et les satisfactions qu'en tirent les consommateurs (et électeurs), ou presque, impliquent des dépenses de ressources, qu'elles soient matérielles, culturelles, ou spirituelles. Le pouvoir d'achat joue donc un rôle central dans presque toutes les activités humaines, hormis peut-être la pure contemplation.

Or le gouvernement, qui, dans nos sociétés, prélève et redistribue une part majeure du revenu national, ne peut pas ne pas avoir d'influence sur l'évolution de ce dernier, et le débat de politique économique reconnaît cette influence.

La satisfaction générale ou les frustrations des électeurs vont donc s'exprimer dans leur opinion des gouvernants et, dans les régimes démocratiques, dans leurs votes.

Wednesday, March 26, 2008

Un jugement plus sobre sur la crise

Robert Samuelson estime que les faits actuellement observables ne corroborent pas les commentaires alarmistes, voire hystériques, qui prolifèrent dans les medias. Voir son article diffusé par http://www.realclearpolitics.com et signalé par Gregory Mankiw sur son blog.

Tuesday, March 25, 2008

Avis contradictoires sur l'Euro

Selon le bulletin, souvent mordant et peu conformiste, du GEFIP (société de portefeuille présidée par Hubert Jousset, http://www.gefip.fr) le récent envol de la monnaie européenne face au dollar recèle quelques chausse-trappes :

« Il s’agit d’une hausse par défaut d’une monnaie en indivision qui ne dispose d’aucun pouvoir politique, militaire et économique mandaté pour la défendre.
En effet, créé de façon artificielle et volontariste pour contraindre les pays de l’Union à se fédérer, l’Euro se retrouve en situation d’apesanteur depuis que l’échec tonitruant du référendum sur la constitution européenne a conduit pratiquement à l’effet inverse ; chaque pays cultivant avec délices ses péchés mignons et ses intérêts nationaux.
Tant que l’ensemble était porté par la forte vague de la croissance mondiale, cet attelage hétéroclite pouvait rester plus ou moins solidaire.
Mais, que la récession vienne à s’abattre sur la zone et l’on risque de voir cet OVNI monétaire exploser en vol ; certains pays n’étant plus en mesure d’assumer leurs obligations ».

Ajoutons que le ralentissement de l’activité économique est aggravé par la hausse du taux de change européen qui, certes, présente l’avantage de contenir l’inflation en permettant d’importer à bas prix, mais décourage l’exportation vers presque tous les pays hors zone euro, et ralentit du même coup la production des pays membres.

Un commentaire beaucoup plus favorable a cependant été publié dans le Financial Times du 23 Mars par Wolfgang Münchau, sous l’intitulé « The crisis could bring the euro centre-stage ». Le chroniqueur voit la monnaie européenne remplacer le dollar comme monnaie de réserve internationale pour les gouvernements dans les 10 à 15 prochaines années. Raisons : les déficits commerciaux américains sont durables, et de plus la crise financière actuelle est celle du « capitalisme de marché anglo-saxon » alors que les institutions financières européennes ont fait la preuve de leur solidité. La valeur ajoutée de l’euro au plan international serait ainsi géopolitique beaucoup plus qu’économique.

On peut douter de la valeur de telles prévisions à si longue échéance, d’une part parce que les balances commerciales sont sujettes à de fréquents renversements (ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis connaissent de forts déficits, pour se rétablir quelques années plus tard, notamment en raison du « benign neglect » affiché par les administrations successives à l’égard du dollar), et, d’autre part, parce que la tendance de fond de l’organisation financière mondiale continuera très vraisemblablement à favoriser le développement des marchés au détriment de celui des institutions centralisées que sont les grandes banques, au delà des péripéties actuelles.
Mais il ne faut pas oublier, en tout état de cause, que le pays dont la monnaie joue le rôle d’instrument de réserve international se charge d’un lourd fardeau. Une monnaie internationale qui veut se tailler une place doit être « forte » (chère), au moins au départ, pour être attirante, et c’est le pari qui a présidé à la création et à la gestion de l’Euro. Mais la croissance économique en est alors inévitablement pénalisée, même si les institutions financières, elles, en tirent avantage. La géopolitique, comme toute chose, a son prix.

Tuesday, March 18, 2008

C'est l'économie bien sûr!

Tranchant sur le galimatias de commentaires de toutes sortes – partisans, philosophico-psychanalytiques, politico-sociologiques, si chers à notre intelligentsia -- à propos de la chute de popularité de Nicolas Sarkozy depuis l’élection présidentielle, un éditorial du Financial Times en date du 17 mars fait le point en termes clairs et lucides. Selon l’auteur c’est le président lui-même qui est responsable de la dissipation de son capital politique: « Sarkozy’s slump is of his own making ». Elle serait le résultat d’une double maladresse, son attitude à l’égard du niveau de vie des Français, d’une part, et l’exhibition excessive des avatars de sa vie privée, ainsi, pourrions-nous ajouter, que d’une surexposition médiatique quotidienne qui ne peut, passé un premier effet de surprise, que lasser une opinion qui espérait beaucoup plus de cette frénésie d’activité. Les rendements décroissants affectent également la communication, comme la production.
Le premier point ne fait que confirmer le constat de la théorie économique de la politique : la motivation principale de l’immense majorité des individus (et électeurs) reste la possibilité de satisfaire leurs besoins, quels que soient ces derniers, matériels, spirituels ou culturels. Et cette possibilité de satisfaction est mesurée, plus ou moins rigoureusement certes mais de façon généralement acceptée, par le niveau de vie qui est le niveau de revenu défalqué de la hausse des prix de la période. C’est ce qu’avait montré le lauréat Nobel d’économie George Stigler dans un article de 1973 (« General economic conditions and national elections », American Economic Review, may 1973), démonstration que j’avais pu vérifier peu après sur le données politico-économiques de la France : l’évolution des conditions macroéconomiques détermine pour une large part les résultats électoraux (« Conditions économiques et élections : une analyse politico-économétrique, 1920-1973, avec D. Amson, Revue française de science politique, 1976).
En termes plus terre-à-terre c’est ce que confirmait le slogan affiché dans le QG de la campagne victorieuse de Bill Clinton contre George H.W. Bush en 1992 : « It’s the economy, stupid ! » Autrement dit « surveille ton économie si tu veux gagner les élections ».
Or Nicolas Sarkozy, qui avait promis qu’il serait le « président du pouvoir d’achat », a soudainement renié cette promesse dans son discours de janvier par lequel il reconnaissait au contraire ne rien pouvoir faire, et surement pas vider les coffres publics qui étaient déjà à sec.
Il faut noter aussi que le tourbillon des réformes annoncées n’incluait aucune mesure significative susceptible d’infléchir (vers le haut) la trajectoire de l’économie française, ni en politique budgétaire, ni en politique monétaire ou de change, et pour cause puisque ces deux dernières ne relèvent plus, depuis 1999, du gouvernement de la France. Il s’agissait, dans la quasi-totalité des cas, de réformes consistant à « faire de la politique », c’est-à-dire à mettre en œuvre des redistributions de richesses, et non pas destinées à favoriser une création de nouvelles richesses. C’est la principale faiblesse de la politique actuelle, que les Français n’ont peut-être pas clairement analysée mais dont ils comprennent intuitivement la portée. Il n’y a pas de politique macroéconomique dans la politique du gouvernement, qui est d’abord celle du président, médiatisation oblige. Et sans cette dernière, la doctrine purement microéconomique et d’accroissement du profit, prônée par le patronat, qui consiste à réclamer une plus grande « flexibilité » du marché du travail (lire une modération plus efficace des salaires), ne peut produire aucun résultat tangible en matière de croissance.
D’autant plus, et l’on retrouve là le deuxième motif d’impopularité évoqué par le Financial Times, que la médiatisation de la personne du Président a porté dès le départ, et bien avant les épisodes tumultueux de sa vie privée – et de façon beaucoup plus significative politiquement – sur ses relations avec l’argent et les privilégiés de la fortune. Première nuit dans un palace parisien avec les « happy few », puis vacances sur le yacht d’un milliardaire. Le message était extrêmement clair : les relations prioritaires du président consistaient en une étroite imbrication dans les milieux privilégiés. Sur un arrière plan de dégradation continue des performances économiques françaises, et donc du ralentissement, voire de la stagnation, des progrès du niveau de vie moyen, tandis qu’au contraire les profits des grandes entreprises du CAC 40 ne cessaient de progresser, il ne pouvait pas y avoir de façon plus brutale de dire aux Français que leurs problèmes de fin de mois ne concernaient pas le pouvoir. Message confirmé par le discours de janvier qui revenait à leur dire : « je ne peux rien pour vous ».
En somme, élu avec une écrasante majorité par les Français, non pas comme on le dit trop facilement pour « faire des réformes» comme un but en soi, mais pour rétablir la croissance de leur pouvoir d’achat et mettre un terme à la tendance de dégradation continue de leur prospérité relative sous les deux derniers présidents, Nicolas Sarkozy s’empresse d’afficher sa prospérité personnelle et son appartenance au clan des nantis, tout en indiquant aux Français qu’il ne faut rien attendre de sa politique en termes de croissance.
L’explication suffit.

Monday, March 10, 2008

Is Democracy in Retreat ?

That’s what Larry Diamond claims in an article just published in Foreign Affairs (March/April 2008), titled “The Democratic Rollback. The Resurgence of the Predatory State”.
Worrying indeed. Here is what he writes:
“… the democratic wave (1974-2005, brackets added) has been slowed by a powerful authoritarian undertow, and the world has slipped into a democratic recession. Democracy has recently been overthrown or gradually stifled in a number of key states, including Nigeria, Russia, Thailand, Venezuela, and, most recently, Bangladesh and the Philippines”.
Moreover “serious problems of governance” affect Kenya, Chile, Ghana and Poland, and no progress is in view in the Arab world (except Morocco). But wait: chronically ill functioning democracies in some countries do not mean that there is a democratic “recession”. And observing no more cases of new democracies in the world is not the same thing as a “democratic rollback”. Having reached a watershed of roughly 60 percent of the world’s population and world’s Gdp, the powerful democratic wave of the last few decades seems simply stabilized, give or take a few cases. But then a fluctuating equilibrium is not a reversed trend: a few cases out of 190 + countries do not make a new trend and could be due to just “random noise” in the series.
Let’s have a look at the Freedom in the World Report 2008 (admittedly freedom is not exactly the same concept as democracy, but there is a close link) ranking countries as Free, Partly Free, and Not Free:
Number of countries
(% of countries in that year)
Year under review Free Partly Free Not Free
1977 43 (28%) 48 (31%) 64 (41%)
1987 58 (35%) 58 (34%) 51 (30%)
1997 81 (42%) 57 (30%) 53 (28%)
2007 90 (47%) 60 (31%) 43 (22%)

No broad reversal of political environment is apparent here.
Let us add that in the six cases that Diamond mentions, three (Nigeria, Russia, and Venezuela) are oil producing countries, a condition which is generally known to be inimical to democracy. Could these atypical reversals happen to result from rising oil price, a trend-free phenomenon?